Vive-la-gauche-indignée

Parmi les sujets abordés durant les primaires, la drogue a été évoquée avec rapidité. Le radical de gauche jean Michel Baylet a fait une proposition audacieuse de dépénalisation de l’usage du cannabis avec vente en pharmacie. Naturellement tous les autres candidats se sont prononcés pour un maintien de l’interdiction avec quelques nuances de détail. Le débat des primaires n’a pas donc fait avancer significativement la réflexion collective sur une question pourtant très importante. Car le trafic de drogue et sa consommation sont un véritable problème national. D’abord parce qu’un nombre considérable de français consomment ces produits et que parmi les consommateurs il y en a aussi un nombre non négligeable pris au piège de l’addiction à un produit dont on sait que les effets à long terme sont destructeurs de la santé mentale et physique. De plus le trafic qui approvisionne les consommateurs est la source d’une économie parallèle criminelle qui brasse des milliards. Enfin les conséquences sociales de la consommation et du trafic transforment de grandes zones d’habitat en zones de non droit où les citoyens sont exposés à la domination de groupes mafieux et des petit voyous.

Il y a en outre une continuité entre les groupes qui ont un comportement incivil dans les quartiers ou les villages et les trafics plus sordides. Les uns protègent les autres.

La drogue est donc simultanément un problème de santé publique, de sécurité publique, de régulation du vivre ensemble et une énorme distorsion économique.

La situation actuelle est insatisfaisante parce que les lois en vigueur et l’activité répressive des forces de l’ordre n’obtiennent pas de résultats permettant un recul significatif du phénomène. Tout au plus peut on parler de stabilisation de la consommation et du trafic à des niveaux élevés.

Il est donc important que les partis politiques fassent sur ce sujet des propositions capables d’apporter une amélioration. De ce point de vue il faut reconnaître à JM Baylet une certaine forme de courage, car l’idée d’une dépénalisation dans une société où la règle établie est au contraire un interdiction absolue représente une transgression de la pensée dominante.

Et c’est bien là dessus que le bât blesse, pour le commun des français vouloir dépénaliser le cannabis c’est faire preuve d’un laxisme coupable et encourager d’une manière ou d’une autre la consommation. Pourtant le maintien de la législation actuelle n’a rien de satisfaisant tant le phénomène et ses conséquences sont importants.

A la recherche d’une solution qui permettrait de limiter les gains des trafiquants en permettant un certain degré de consommation sans que cela constitue une incitation, il faut trouver une forme de « légalisation limitée ».

L’usage de la drogue pourrait  être autorisé ou toléré à condition qu’il se produise «  à titre privé, en un lieu privé » donc dans un domicile privé pour un groupe réduit à trois personnes au maximum. Le transport individuel d’une quantité de drogue constituant une quantité journalière standard pour un drogué dépendant « normalisé » devrait être permis. Dans ces conditions les pharmacies pourraient vendre aux consommateurs la quantité nécessaire pour la journée à un dépendant « normalisé ».

Cela ne supprimerait pas les trafics mais les priverait d’une large partie de leur clientèle « régulière ». Si simultanément les lois réprimant les trafics étaient durcies l’économie de la drogue perdrait une partie de son intérêt.

Par ailleurs cela suppose que l’autorité publique programme une action de sensibilisation aux méfaits de la drogue à l’intention des jeunes qui constituent la partie de la population la plus exposée.

Naturellement pour que cette démarche ait du sens, il faut maintenir une interdiction de consommation individuelle sous peine de lourde amende dans les lieux publics et dans les groupes de plus de trois personnes se trouvant dans des lieux publics ou privés.

Enfin l’autorisation de la culture individuelle de quelques pieds de cannabis pour une consommation personnelle peut contribuer à diminuer les gains des filières de trafic.

C’est assez compliqué, mais maintenir une pression sur les usagers tout en permettant aux plus dépendants de continuer à consommer sans dépendre des trafiquants est un objectif de bon sens. Ce n’est pas une solution miracle mais ce serait sans doute une approche plus adéquate que le principe d’interdiction universel actuel débordé de toutes parts.