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L'Europe des bisounours

Publié le 29/03/2019 à 09:59 par vivelagauche Tags : Europe Macron Le Pen Mélanchon Hollande
L'Europe des bisounours

Le panorama des européennes est désormais en place, les têtes de liste sont toutes des personnalités jeunes et nouvelles. Manifestement les leaders nationaux ont tous estimé qu’il fallait envoyer aux électeurs un signe de renouvellement démocratique. A en juger par le taux d’abstention mesuré par les sondages cela ne suffit pas à enthousiasmer les foules. Il faut bien reconnaître que la scène européenne très complexe car s’y conjuguent les intérêts partisans et nationaux, peut faire douter de l’efficacité d’un vote. Il ne suffit donc pas d’un casting réussi pour séduire les électeurs, cela témoigne plutôt de leur bon sens. Les sondages, à ce jour traduisent une bonne résistance des finalistes de la présidentielle et un triste champ de ruines pour les autres partis. Les républicains et les insoumis qui talonnaient les deux premiers sont donnés avec des scores bien moindres. Les verts qui ont pensé un moment faire faire le buzz se tassent et les autres dont les socialistes ont dans les derniers sondages des scores à pleurer.

Il est vrai que jusqu’à présent les seuls qui ont pu faire campagne, et ont occupé l’espace médiatique ce sont le président Macron par ses gesticulations officielles sur la scène nationale et européenne et le RN systématiquement interrogé par les médias comme opposant de sa majesté. Il n’est pas sûr que cette exposition médiatique avantageuse soit la seule raison mais cela peut contribuer à l’avance de ces deux courants dans l’opinion.

On sait donc que la position du parti présidentiel est dans la continuité de sa doctrine intérieure, si quelque chose ne va pas en Europe ce n’est dû qu’à l’incompétence des prédécesseurs de Macron, de droite et de gauche. Celui –ci avec son dynamisme, sa compétence et sa volonté va venir à bout de tous les problèmes qui ne relèvent que d’ajustements techniques appropriés. Cette manière de voir est confirmée par les conseillers démissionnaires du président qui se posent avec lui comme des progressistes intelligents prenant à gauche et à droite les bonnes idées gâchées par l’inaction crasse des anciens politiciens. Aucun scrupule de modestie ne sourd au travers d’un discours dont l’arrogance se donne d’autant plus libre cours que personne ne met en doute leur intelligence bardée de diplômes. Face à eux les « populistes » sont tout juste des simplistes tombés dans l’erreur par méchanceté et incompétence.

Pour Marine le Pen et ses amis tout se ramène à deux boucs émissaires qui ont en commun qu’ils « ne sont pas français ». D’abord l’Europe supranationale, déclarée prison des peuples et fantasmée comme une autorité néfaste à un point qui n’a aucun sens avec la réalité, ensuite les immigrés responsables tant du déficit que du chômage et constituant une menace redoutable de « submersion », d’autant plus effrayante qu’on ne comprend pas très bien de quoi il s’agit, invasion en bonne et due forme ou sournoise introduction progressive et discrète de travailleurs au noir pour faire les sales boulots. Ce discours proche du délire, sert d’argumentaire constant aux membres du RN sans qu’on puisse savoir s’ils sont réellement convaincus de leurs élucubrations ou s’ils sont conscients de dire n’importe quoi. Leur tapage d’autant plus prétentieux qu’ils se savent entendus par une partie de la population, brouille le débat médiatique sur des sujets essentiels de la vie collective, la sécurité, le terrorisme, la laïcité, les migrations.

Et pourtant, il est manifeste que pas plus Macron que Le Pen n’ont les moyens d’imposer leur volonté à l’Europe entière et qu’ils sont tous les deux en train de faire des promesses qu’ils ne peuvent tenir.

Pour Emmanuel Macron, il y a une limite évidente à sa possibilité d’action, c’est la volonté du patronat européen et des grands lobbies financiers, industriels et commerciaux de maintenir les conditions actuelles favorable à leurs intérêts. La transparence des frontières à la circulation des capitaux, des marchandises et de la main d’œuvre permet l’accumulation de marges juteuses dans un petit nombre de mains et l’optimisation fiscale voire le détournement complet des profits dans des paradis fiscaux.

La politique d’abondance de moyens financiers de la banque centrale permet d’emprunter à bas coût, de développer les affaires et de traquer les sources de profit.

Les privatisations offrent sur un plateau des affaires rentables qui dopent les portefeuilles.

Le frein de toute politique d’investissements publics permet au secteur privé de garder la main sur tous les investissements intéressants de nature à générer des profits importants.

Emmanuel Macron a déjà démontré sur le plan intérieur qu’il est redevable à ces intérêts, sans doute parce qu’il leur est redevable de son élection d’une manière ou d’une autre. Il ne saurait en aucun cas travailler à des mesures qui iraient contre les désidératas de ces groupes dirigeants.   

Marine Le Pen n’est pas encore représentante des classes supérieures, mais l’histoire a démontré que les populistes ont toujours cherché à s’entendre avec le patronat dès qu’ils ont eu à exercer le pouvoir. Il y a peu de chances qu’elle mette en œuvre son programme si contraire aux intérêts des grandes fortunes.

Le voudrait-elle qu’elle serait rapidement confronté à des défis considérables. L’exemple récent de l’Italie voulant s’affranchir des règles budgétaires est là pour rappeler opportunément que face à un pays qui veut s’affranchir de la loi commune, la commission de Bruxelles n’est pas qu’une structure administrative désincarnée mais un organe par où s’exprime avec fermeté la volonté des autres pays qui défendent aussi leurs intérêts. Le casse- tête historique que vit la Grande Bretagne avec le Brexit, montre que lorsqu’un pays veut s’opposer à l’Europe, il se trouve de fait en confrontation avec tous les autres pays européens. Ce n’est pas la Commission qui ennuie les anglais, mais la cohésion autour d’elle de l’ensemble des nations européennes. Bien sûr, l’extrême droite fait valoir que d’autres pays éliront aussi des majorités nationalistes. Mais il faut rappeler que par définition même les nationalismes défendront des intérêts différents qui seront automatiquement antagonistes. Le nationalisme italien exigera que les immigrés soient accueillis par l’Espagne et vice versa. Actuellement les italiens reprochent aux français de ne pas laisser passer les immigrés à Vintimille. Les nationalistes dès qu’ils auront brisé l’Europe n’auront qu’une issue, se faire la guerre, plus ou moins froide. C’est justement pour éviter cela que de sages ancêtres ont construit l’Union Européenne.

Les banques et groupes d’assurances, les multinationales, les fonds de pension, les très grandes fortunes, le patronat allemand, etc. tout cet ensemble de puissances industrielles, commerciales et financières constituent de fait la « classe » qui domine en Europe et impose sa vision tant aux gouvernements qu’à l’institution européenne elle –même. C’est en somme l’adversaire que dénonçait Hollande dans son discours du Bourget en le désignant par « la finance ».

Celle-ci s’oppose à l’uniformisation sociale, par souci de maintenir une pression suffisante sur les salaires et à la convergence fiscale  pour la préservation des précieux  processus d’optimisation. La fameuse directive des travailleurs détachés ne saurait aller trop loin et cela d’autant plus qu’elle ne peut être qu’un compromis entre pays aux intérêts divergents en fonction de leur marché du travail propre. La fermeture des frontières n’est vue par eux que comme une source de perte de chiffre d’affaire tant à l’exportation qu’à l’importation.

Un projet économique de développement rapide s’appuyant sur des investissements publics sera perçu comme un danger de concurrence illégitime avec les capitaux privés à la recherche d’investissements offrant des rendements élevés. Ils en délimiteront les contours au mieux des intérêts privés quitte à le sous-dimensionner.

Tout processus d’allégement des dettes étatiques ne pourrait se faire qu’en portant préjudice aux intérêts de tous ceux qui les utilisent pour des placements obligataires. D’une manière ou d’une autre, toute liquidation de la dette se ferait au détriment des rentiers et de ceux qui gèrent les rentes. 

 C’est pourquoi, à défaut d’un rapport de forces politique significatif assurant à des mouvements adossés aux classes populaires et moyennes, assez de force pour agir, il est inimaginable que des règles européennes s’opposent aux intérêts de ces forces financières dominantes. Les bonnes paroles de Macron, les gesticulations de Mélanchon, les invectives de Dupont Aignan, les insanités de Marine Le Pen, ne changeront rien à cette réalité, bien au contraire la dispersion de l’électorat sur des motivations diverses et contradictoires garantit l’impuissance du politique.

Seul un mouvement de gauche largement majoritaire sur un grand nombre de pays, serait en mesure de venir à bout de la résistance que ne manqueront pas d’opposer les forces financières à tout changement allant contre leurs intérêts. Pour le moment elles n’ont guère de souci à se faire !

Un rapport de force favorable à la gauche à l’échelle de l’Europe ne signifierait  pas une intention de  ruiner la finance européenne mais seulement de lui imposer des règles plus favorables aux classes populaires et moyennes.

La nécessité de tout faire pour l’union des forces de gauche tient à ces observations élémentaires et ne préjuge en rien de qui est le meilleur idéaliste de gauche ou le plus fin stratège.

Il faut donc mettre l’accent sur le fait que le PS français agit au sein d’un mouvement d’ampleur européenne le PSE où se retrouvent les socialistes et sociaux -démocrates de l’ensemble de l’Union.

Mélanchon étant incapable de formuler clairement un objectif qui puisse être partagé par une large majorité alors qu’il est le leader le plus « capé », il est à redouter en l’absence de nouveau leader émergeant que la gauche fasse de la figuration dans l’élection qui s’annonce.

Et cela d’autant plus que l’urgence climatique qui s’adresse à tous offre un dérivatif facile aux luttes sociales. Le combat écologique a sa noblesse et sa légitimité mais il crée à tort l’illusion qu’il est facile de draguer l’opinion en chevauchant furieusement ce thème. Comme si les macronistes avaient raison et que les conflits sociaux et politiques ne relevaient que d’un consensus bisounours. C’est un piège mortel pour les partis de gauche !